lundi 20 février 2012

Partager, comme une nécessité

Tout exige un effort, même rester immobile. Un yogiste pourrait nous entretenir longuement des efforts nécessaires afin de demeurer immobile. Il nous parlerait des tensions que cela provoque, de la contraction de certains muscles et de la concentration requise afin de demeurer dans la même position. Il aborderait sans doute également l'effort mental qui est également exigé. Il pourrait nous entretenir des difficultés, pour certains, de mettre au repos cette petite souris qui trotte parfois à une vitesse folle dans notre tête, celle qui parfois nous amène à l'épuisement physique et mental.

Il arrive, dans le va-et-vient du quotidien, que certaines choses soient négligemment mises de côté, qu'on évite d'y faire face parce qu'elles sont douloureuses. Au lieu d'y consacrer le temps et les efforts nécessaires et se permettre de prendre soin de la plaie, on retarde la guérison, on se cache derrière des responsabilités et des devoirs, des engagements et des nécessités, on croit à tort que le temps arrange tout. Puis, plusieurs lunes plus tard, alors que le temps nous a marqué de sa main, nous nous retrouvons seul, dans un quotidien lourd, pris entre quatre murs dont on a exclu toute vie qui pouvait nous rappeler la douleur, une maison vide remplie d'oubli, mais où la plaie toujours ouverte appelle au secours.

Lors d'une soirée Alanon*, la voix d'un homme écorché par la vie s'est frayé un chemin en moi. Il parlait d'une voix à la fois tremblante et pleine de force. Il traçait avec peine le parcours de son adolescence, son corps mince comme pris dans une armure d'acier trempé. Il s'arrêtait parfois pour se forcer à prendre de l'air, comme si à tout moment, il criait: "oui, je veux vivre", et ce malgré la douleur qui l'habitait. Son passé pouvait bien l'avoir déchiré, aujourd'hui, le présent lui permettait de trouver le chemin de la guérison; aujourd'hui, peu importe l'effort à fournir, le chemin étant maintenant tracé, il n'en tenait qu'à lui d'accéder à une vie où il retrouverait enfin la capacité de respirer à pleins poumons tout en portant son regard sur le passé.

Son message en était un de foi : à toutes les rencontres Alanon où ses pas le menaient, qu'il y partageait son vécu avec d'autres, qu'il y parlait de sa douleur, qu'il y laissait entrer le message de ces gens ayant vécu des choses semblables aux siennes, dès cet instant, il se sentait mieux, la douleur diminuait, et il sentait qu'il acceptait enfin de vivre. Aujourd'hui, peu importe la ville où il se trouve, il se rend dans une rencontre Alanon afin d'y rencontrer l'autre, cet autre par qui il apprend à mieux se comprendre et à mieux vivre le présent.

John Donne déclare en 1617: «No man is an island, entire of itself... ». Nul n'est une île... et le partage est d'une grande richesse.

Pourquoi l'écureuil? Il a été l'élément déclencheur du blog d'aujourd'hui. C'est dans l'immobilité que j'ai réussi à en capturer toute la beauté.

mercredi 8 février 2012

Y croire malgré tout

La vie nous place parfois dans des situations où toutes les portes semblent fermées, toutes les issues semblent avoir été bloquées, on piétine dans le noir, on a l'impression que demain sera une copie conforme de la journée d'aujourd'hui -ou peut-être pire -mais certainement pas mieux. On s'imagine trop rapidement qu'il n'y a pas d'espoir, on se décourage; l'espoir qui hier semblait nous habiter vient de trébucher sur un caillou, manque d'air, s'éteint.

Confiné dans des émotions et des idées qui nous enlisent malgré nous dans un paysage plutôt gris, un effort est requis pour faire une brêche dans cette lourdeur. J'imagine les pals d'un ventilateur de plafond qui tourne dans un sens depuis un certain temps. On exige de mettre le ventilateur à la position arrêt avant de modifier le sens de leur rotation.
Alors, ne rien forcer. Sans doute est-ce le premier pas.
Puis, c'est l'effort d'ouverture.

Des mots proviennent de l'extérieur, des mots sensibles et vivants, des mots d'espoir et de force. Au bout de ces mots, des personnes qui ont un vécu semblable au nôtre, des personnes qui, un jour ou l'autre, ont eux aussi été fragilisées par les événements qui ont traversé leur vie. Nous sommes faits de la même terre. Il y a des hauts et des bas pour chacun de nous.

Prendre une longue inspiration, tourner le regard et voir ces mains tendus, ces bras ouverts; sortir dehors, puis expirer... lentement... et prendre conscience de toutes ces beautés qui nous entourent et qui sont, aussi petites soient-elles, de réelles bouées de sauvetage qui se présentent à nous à chaque instant. Il ne reste qu'à les accueillir en nous et de nous laisser envelopper de cette douceur, de cette clarté, de ce bon qu'on nous propose.

Le beau, le bon et le doux sont là, ils frappent à la porte.

dimanche 5 février 2012

Une trace de douceur
















Nous naissons vieux et moulés comme la montagne... Une grande poète du Québec, Rina Lasnier, décrivait en ces mots la force, mais également le poids de cet héritage de nos parents, de tous ceux qui nous ont précédés. C'est un passage qui peut nous sembler, à primes abord, lourd et même non approprié en ce qu'il unit naissance et vieillesse. Pourtant, hier, alors que nous étions réunis en l'église de St-Germain-de-Grantham pour dire au revoir à tante Jeanne, que tous les enfants la suivaient vers l'avant de l'église, alors qu'on entendait le chant d'un ange, j'ai croisé le bleu regard de la petite Maëlli dans les bras d'un cousin ou d'une cousine, je suppose, - certaines choses perdent de leur importance lorsque nos yeux croisent ceux d'un enfant - et il me semble avoir saisi toute la beauté contenue dans ces mots.

Combien de fois me suis-je retrouvé dans la montagne, en randonnée, à suivre des sentiers empruntés par des milliers de personnes chaque année, à m'arrêter sans cesse attiré par une feuille, un champignon, une teinte de mousse, une brindille, un ruisseau, un écureuil, un rayon de soleil qui s'est frayé un chemin entre les branches? Combien de fois, c'est dans la montagne que je prenais enfin le temps de respirer et de refaire mes force.

Ceux qui partagent nos vies, par les mots qu'ils nous adressent jour après jour, par l'affection qu'ils nous témoignent, par les caresses dont ils nous enveloppent et l'amour qu'ils versent sur nous à chaque regard qu'ils posent sur nous, nous tracent, nous transforment, nous gravent de ce qu'ils portent en eux de plus riche. Nous sommes des montagnes tracées par toutes ces personnes qui traversent nos vies.

Grand-Maman Jeanne, tante Jeanne, Jeanne, Maman, a laissé sa trace en nous, une trace toute en douceur et nous sommes tous, aujourd'hui, plus beaux, plus grands et plus forts de l'empreinte de ses pas en nous.

"Nous ne sommes fait que de ceux que nous aimons et de rien d'autres."
Christian Bobin