lundi 16 septembre 2013

Ce qu'il faut pour vivre...après un cancer


Christian Bobin a écrit :
"À quoi reconnaît-on les gens fatigués?  À ce qu’ils font des choses sans arrêt. À ce qu’ils rendent impossible l’entrée en eux de repos, d’un silence, d’un amour.  Les gens fatigués font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière.  C’est pour fuir la fatigue qu’ils font toutes ces choses, et c’est en la fuyant qu’ils s’y soumettent.  Le temps manque à leur temps.  Ce qu’ils font de plus en plus, le font de moins en moins.  La vie manque à la vie."
(Une petite robe de fête, coll. Folio #2466, p.27)

Il semble que cet extrait de livre décrit bien le lieu où se trouvait Lyne en juillet 2012; alors qu’on lui apprend qu’un cancer s’est logé dans son sein.  Dans le rythme effréné des «il faut»,  nul n’avait imaginé qu’une danse obscure s’exécutait en douce, s’alimentant des hormones qui jusque-là l’avaient accompagnées dans son devenir de femme.

Après six mois de chimiothérapie, une chirurgie et 29 traitements en radiothérapie – les derniers traitements ont été bien douloureux, toute chose étant relative – Lyne se retrouve aujourd’hui, en septembre 2013, avec non seulement un cancer en moins (rien n’est jamais sûr à 100%, mais nous osons l’espérer), elle a également acquis une meilleure compréhension de ce qu’il lui faut pour vivre. Depuis déjà bien longtemps, l’envie de se consacrer à son art sommeillait en elle.  De mon côté, je savais que l’art la faisait vire : combien de fois l’ais-je vue flotter dans son atelier à mon retour du travail (elle ne s’y retrouvait cependant qu’un jour par semaine avant juin 2012); devant sa toile, elle retrouve son souffle, son rythme.  Toute épreuve apporte une lumière.  C’est sous cette lumière que Lyne a décidé de quitter l’emploi qu’elle occupait depuis les cinq dernières années et de prendre le temps de créer.  Nous avons eu amplement le temps d’en discuter durant mes 6 mois en sabbatique.  Ce choix ainsi que d’autres sur le plan de la nutrition et de l’activité physique sont porteurs d’avenir.  Dans notre demeure, l’air est rempli d’une plus grande sérénité.

Depuis quelques semaines, je suis de retour au travail avec une nouvelle cohorte d’élèves à découvrir et à accompagner dans leur cheminement scolaire, j’ai retrouvé mon badminton, je ne cuisine malheureusement plus autant que durant mon congé.  À mon retour à la maison, ma Lyne respire et me regarde, parfois sans rien dire, avec en tête des tonnes d’idées pour sa prochaine toile.  Je suis heureux.

lundi 29 avril 2013

La main du bon samaritain

C’est un soleil d’avril qui charme les dernières glaces qui sillonnent le fleuve. Quelques brindilles oubliées trouvent refuge dans les mains de trois enfants sans souliers. Des cercles naissent du jeu sur l’eau. Puis, une chute.

Retentissent les cris de deux enfants perdus dans le drame d’un frère immergé.  L’enfant endormi par le froid se laisse entraîner dans un rêve, sourire aux lèvres, impassible, alors que l’eau lentement s’infiltre dans ses petits poumons. Le corps s’amuse entre deux eaux au rythme de légers remous.

Une chaloupe s’approche. Un regard cherche. Une main saisit. Une bouche se pose sur celle de l’enfant. Un trop plein d’eau surgit. L’enfant respire, les yeux fermés, emmitouflé dans un doux songe d’une autre vie.

Devant la porte de la maison, deux enfants et un homme, à ses mains deux petits souliers. Plus tard, une mère auprès de l’enfant qui grelotte. Lorsque ses paupières se soulèvent, la plus belle conversation de sourires.

Je serai à jamais reconnaissant pour ta main ce jour là.

lundi 18 février 2013

Des grains d'un blanc sombre

C’est une toile blanche d’une neige nouvelle à peine déposée. Aucun faux pas sur l’immaculée, aucune ombre, que l’aurore d’une vie dans la lumière qui s’étale. En attente du geste, elle invente un langage, s’étire dans le désir, enfante des milliers de demains habillés d’un souffle ingénu.



Des pas ensuite. Des pas lents, inconnus, et des teintes de sable que soulève le vent. Alors que l’aube s’engonce dans un voile obscur, au cœur s’incrustent les premiers grains d’un blanc sombre à perte de vue. Le gris se dépose au bout des lèvres. Angélique.

La nuit s’installe; sous des airs ténébreux, implore l’indulgence du regard. Dans une valse de clair-obscur, une colombe pose sa tête contre l’aile d’un corbeau. Du sombre émane un fragile parfum de vérité; du clair, une paix intense.

Tout est parfait.