Christian Bobin a écrit :
"À quoi reconnaît-on les gens
fatigués? À ce qu’ils font des choses
sans arrêt. À ce qu’ils rendent impossible l’entrée en eux de repos, d’un
silence, d’un amour. Les gens fatigués
font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière. C’est pour fuir la fatigue qu’ils font toutes
ces choses, et c’est en la fuyant qu’ils s’y soumettent. Le temps manque à leur temps. Ce qu’ils font de plus en plus, le font de
moins en moins. La vie manque à la vie."(Une petite robe de fête, coll. Folio #2466, p.27)
Il semble que cet extrait de livre décrit bien le
lieu où se
trouvait Lyne en juillet 2012; alors qu’on lui apprend qu’un cancer s’est logé dans
son sein. Dans le rythme effréné des «il
faut», nul n’avait imaginé qu’une danse obscure s’exécutait en douce, s’alimentant
des hormones qui jusque-là l’avaient accompagnées dans son devenir de femme.
Après six mois de chimiothérapie, une chirurgie et 29 traitements en
radiothérapie – les derniers traitements ont été bien douloureux, toute chose
étant relative – Lyne se retrouve aujourd’hui, en septembre 2013, avec non seulement
un cancer en moins (rien n’est jamais sûr à 100%, mais nous osons l’espérer),
elle a également acquis une meilleure compréhension de ce qu’il lui faut pour
vivre. Depuis déjà bien longtemps, l’envie de se consacrer à son art sommeillait
en elle. De mon côté, je savais que l’art
la faisait vire : combien de fois l’ais-je vue flotter dans son atelier à mon
retour du travail (elle ne s’y retrouvait cependant qu’un jour par semaine
avant juin 2012); devant sa toile, elle retrouve son souffle, son rythme. Toute épreuve apporte une lumière. C’est sous cette lumière que Lyne a décidé de
quitter l’emploi qu’elle occupait depuis les cinq dernières années et de
prendre le temps de créer. Nous avons eu
amplement le temps d’en discuter durant mes 6 mois en sabbatique. Ce choix ainsi que d’autres sur le plan de la
nutrition et de l’activité physique sont porteurs d’avenir. Dans notre demeure, l’air est rempli d’une
plus grande sérénité.
Depuis quelques semaines, je suis de retour au travail avec une nouvelle
cohorte d’élèves à découvrir et à accompagner dans leur cheminement scolaire, j’ai
retrouvé mon badminton, je ne cuisine malheureusement plus autant que durant
mon congé. À mon retour à la maison, ma
Lyne respire et me regarde, parfois sans rien dire, avec en tête des tonnes d’idées
pour sa prochaine toile. Je suis
heureux.
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