mardi 5 mai 2009

5 mai 2000

On a tous une journée marquante dans notre vie. On ne se souvient pas toujours de la date, mais on se souvient de l'événement, de l'occasion. Pour certains, tout est bien gravé, les moindres détails; pour d'autres, il n'y a que la sensation, le parfum, les teintes dont s'était coloré le ciel.

Ce jour-là, je me souviens, il faisait frais, un bon vent frais. J'étais revenu plus tôt du travail afin d'avoir le temps de passer sous la douche. C'est étrange comment certains gestes si communs peuvent prendre une grande importance dans certaines circonstances. J'avais le sourire aux lèvres et je prenais plaisir à sentir l'eau couler sur ma peau, mes sens dans un état d'éveil total.

Depuis plusieurs mois, nous nous étions écrit - bien que le mot " apprivoisé " soit plus adéquat -. Ces mots échangés que l'on attendait jour après jour assis devant notre ordinateur jusqu'aux petites heures du matin et parfois dès notre réveil, ces mots comme le livre de notre passé, des mots qui décrivaient nos désirs, nos craintes, nos espoirs et notre engagement avec toute la franchise qui puisse être. Nous nous croisions au service de garde de l'école alors qu'on allait reconduire ou chercher nos enfants. Un jour, j'avais mis ma main sur ta hanche alors que nous étions tous les deux penchés dans le cadre de la porte à parler à un éducateur. Je ressens encore aujourd'hui, simplement à y penser, toute la chaleur de ce premier contact. Rien n'avait encore été dévoilé de ce que nous savions profondément. L'authenticité de nos échanges présageait des liens forts, je n'en doutais pas. Nous étions deux âmes en intense communion.

J'étais allé te chercher chez toi vers 18h. Tout le quartier était parfumé de tes sourires. Te souviens-tu de ce que nous avons mangé? Je ne me souviens que de tes yeux rieurs, du plaisir que j'avais à t'écouter me dire, de la lumière qui émanait de tes paroles et de la chaleur qui nous enveloppait. J'étais à toi. Je n'étais pas amoureux : le terme " amoureux " respire en moi l'idée d'une rupture possible. J'étais à toi. Mon être tout entier le criait. Je le ressentais dans tous les vaisseaux de mon corps, dans tous les continents de mon coeur, je savais que mon coeur respirait au même rythme que le tien.

Quand nous sommes sortis du restaurant, nous sommes allés chercher nos laines polaires et les coupe-vent que j'avais laissés dans l'auto puis nous nous sommes dirigés vers le parc sur le bord du canal de Lachine. Tout avait été dévoilé. On s'est serré, nos deux coeurs qui débattaient si fort qu'ils semblaient vouloir éclater. On s'est planté face au vent, je t'enlaçais, tu avais le dos collé à moi. Il nous était impossible de nous embrasser : tout était trop intense. Nous être embrassés à l'instant même et nos corps se seraient embrasés sur le champ.
Nous sommes restés longtemps à marcher, à essayer de respirer normalement, à reprendre notre souffle. Et sous les regards du Christ, nous nous sommes serrés longtemps, très longtemps. Il était témoin de notre amour.
Je ne me rappelle plus de quelle manière nous sommes revenus chez toi, je suis certain que nous aurions pu voler, planer, flotter sans difficulté -peut-être est-ce ainsi que notre retour s'est passé?-. Je ne me rappelle pas notre premier baiser. Je me souviens cependant du bonheur qui m'habitait ce jour-là. Je me rappelle de la foi qui m'habitait, cette foi en nous, en ce qui profondément nous constituait. Je savais que ce chemin sur lequel je m'engageais avec toi allait m'apporter du bon et du doux, que cette route était ma route.
Sache qu'aujourd'hui, j'ai toujours aussi soif de toi.

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